Station magasin de la 5° Armée Française pendant la première guerre mondiale située à Brétigny sur Orge.

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La station-magasin de Brétigny-sur-Orge
Michel Dill
Association Brétigny Historique
Brétigny-sur-Orge, éloigné d’une centaine de kilomètres de la ligne des combats après la
bascule de la guerre de mouvement en guerre de position, a, comme de nombreuses
communes de l’Essonne, contribué au soutien apporté par l’arrière (cantonnements, accueil
des réfugiés, hôpital auxiliaire, secours en gare, etc.).
La ville a cependant joué un rôle spécifique et essentiel en matière de logistique par la
présence sur son territoire d’une Station-Magasin, établissement ayant pour mission la
subsistance des hommes et des chevaux de la zone des armées.
L’organisation de la chaine de subsistance
Selon Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707), plus connu pour ses
compétences de « fortificateur » que pour ses talents de poliorcète, « L’art de la guerre c’est
l’art de subsister ». La ration, instant de réconfort, aussi inconfortable l’environnement soit-il,
est un élément essentiel tant physiologique que psychologique.
L’article I
er de l’ouvrage du Service des subsistances militaires consacré à l’Alimentation en
campagne92 stipule ainsi que « Le commandement a le devoir d’assurer dans les meilleures
conditions possibles la subsistance des hommes et des chevaux. », ces derniers assurant
alors la grande part de la mobilité des hommes et de la traction des matériels.
Le recours aux ressources du théâtre des opérations est insuffisant. Le ravitaillement du
front en subsistances vient donc de l’arrière ; il suppose une chaîne de traitement depuis la
matière première jusqu’à la délivrance régulière et en temps utile de consommables. Cette
importance a donné lieu, au fil du temps, à une organisation dédiée93,94
.
Les Stations-Magasins implantées à l’arrière constituent la première étape de cette chaîne.
« Chaque armée a son camp de ravitaillement ; […] Les stations-magasins servent à
maintenir disponibles, à une distance peu considérable du théâtre de guerre, les
approvisionnements de toute nature, et constituent un régulateur indispensable des
mouvements de matériel, soit vers l’armée, soit vers l’intérieur. »
95 Elles reçoivent de
l’ensemble du territoire les denrées et matières premières achetées, les traitent, préparent
les consommables, les conditionnent et les expédient chaque jour, par train, à la Gare
Régulatrice que possède chaque Armée. Il y avait 17 de ces stations magasins en août
1914, et 21 en novembre 1918.

92 Service des subsistances militaires, Alimentation en campagne, 2 avril 1914, page 4, © BnF –
Gallica – bpt6k6237012w.
93 Capitaine DEBAY, Cours de Tactique, 1920, © BnF – Gallica – pt6k65558374.
94 Cours de législation et administration, 1927, © BnF – Gallica – bpt6k6373892s.
95 Le Pays de France, n° 12, 7 janvier 1915, p. 6, © BDIC.
64
La Gare Régulatrice, dirigée par un Commissaire Régulateur, répartit les denrées ainsi
reçues entre les Gares de Ravitaillement (sous-intendant), qui les distribuent ensuite aux
corps de troupe.
La station-magasin de Brétigny-sur-Orge
L’organisation générale des services de l’arrière aux armées – qui ne fonctionnent pas en
temps de paix – repose sur les lignes de communication « constituées, autant que possible,
par des voies ferrées »
96
.
Les voies ferrées jouent, de fait, un rôle fondamental dans le fonctionnement de la chaîne de
subsistance.
Brétigny-sur-Orge qui est un carrefour ferroviaire entre les lignes Paris-Orléans et Paris Tours par Vendôme, et possède en outre une gare de triage, a abrité, à partir de 1915, une
de ces stations-magasins. Au 15 décembre 1914, les 17 stations-magasins alors en service
se sont avérées insuffisantes. 1915 a vu le rétablissement de deux anciennes stations magasins, la création de deux stations-magasins nouvelles, puis la création de deux
stations-magasins supplémentaires dont celle de Brétigny-sur-Orge, pour 180 000 hommes,
30 000 chevaux, 100 000 pains, en fonctionnement à partir de juillet( 97).
.
Les sources documentaires propres à la station-magasin de Brétigny-sur-Orge, aisément
accessibles, sont peu nombreuses. La ressource consiste pour l’essentiel en quelques
photographies et des cartes postales relatives à ses activités les plus visibles.
La station-magasin occupait plusieurs localisations sur le territoire de la commune (illustr. 44
à 46).
Aux Cochets, à proximité des voies de chemin de fer, se trouvait, défendu par un poste de
DCA installé à la Ferme des Cochets, le camp principal où étaient effectuées la majorité des
activités dont certaines sont le sujet de prises de vues.
Un des éléments de base est le pain ; les « centres de fabrication de pain » sont divers. Une
« boulangerie de guerre » est établie en particulier dans chaque station-magasin. La légende
d’une photographie de 191598 du service photographique des armées (SPA) mentionne le
nombre de 64 fours pour la boulangerie (illustr. 47). Les cartes postales montrent
l’approvisionnement en bois de chauffage, en farine, les boulangeries et leurs personnels.
Le vin fait partie du quotidien et les soldats reproduisent leurs habitudes sur le front. Pour
répondre à cette demande, et parce qu’il est alors considéré que le vin est une boisson
hygiénique, l’armée octroie aux soldats une ration quotidienne de 25 centilitres, qui
augmente progressivement au cours de la guerre pour atteindre jusqu’à un litre par jour et
par homme en 191899
. Le « Pinard » est livré en wagons-foudres à la station-magasin100 qui

96 Décret du 8 décembre 1913 dans Organisation générale aux armées, Services de l’arrière aux
armées, Éditeur H. Charles-Lavauzelle, Paris.
97 Camille-Marie RAGUENEAU et al., Les armées françaises dans la Grande Guerre, Tome XI, La
Direction de l’Arrière, 1937, p. 239, © Ministère des armées – Mémoire des Hommes.
98 « Les fours (64) pour la boulangerie », 16 septembre 1915, © BDIC – Cote VAL_393_005.
99 Site de la Mission du Centenaire, http://centenaire.org.
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procède au transvasement et au conditionnement dans des fûts de moindres dimensions. Ce
processus impose des travaux de préparation des nouveaux contenants ; une carte postale
montre l’« Échaudage des fûts », par exemple (illustr. 48).
De quoi préparer du café, le « jus », est indispensable. Fin 1915, la « ration normale » de
café torréfié est de « 0 k 016 » et la « ration forte » de « 0 k 024 ». Des suppléments peuvent
être accordés par les commandants d’armée en plus de la ration normale (« 0 k 004 ») ou par
le commandant en chef en plus de la ration forte (« 0 k 024 »)101. La station-magasin procède
à la torréfaction à l’échelle du besoin.
Le rôle d’une station-magasin porte bien entendu sur d’autres victuailles, pâtes, fromages,
pommes de terre, haricots, riz, pois cassés, choux, sucre, eau-de-vie,…102
Les besoins d’alimentation ne se limitent pas à ceux des hommes. Les chevaux et les mulets
jouent encore un rôle essentiel (montures, attelages d’artillerie ou de transport, transports
sur bâts, …). « Il fallait à tout prix nourrir les 600 000 chevaux de l’armée. […] On estime
alors à 20 000 le nombre de chevaux nécessaires tous les mois à l’armée française. »
103 Les
textes prévoient une alimentation des chevaux en « foin pressé » ; « Les besoins sont
calculés à raison de 2 kg. 500 par cheval et par jour »

  1. La station-magasin gère donc un
    approvisionnement et une distribution de fourrages (illustr. 49).
    Au Carouge, était implanté le parc de bétail de la station-magasin (illustr. 50). Le ministre de
    l’Agriculture et du Ravitaillement en réponse à une question du député de Puineuf105 qui
    s’inquiète de la façon dont le bétail est regroupé à une longue distance avant d’être dirigé
    vers les armées, précise que « Le bétail est expédié en principe directement des
    départements sur les entrepôts des stations-magasins. Il n’en est autrement qu’à titre
    exceptionnel […] ». Le centre d’abat, par contre, était à Étampes comme semble l’attester un
    tampon apposé au verso d’une carte postale « Station-Magasin de Brétigny – Centre d’abat
    d’Étampes ».
    Les stations-magasins abritaient également des services ne relevant pas de l’intendance
    mais en charge de fournir le front. « Une au moins des stations-magasins de l’armée reçoit
    aussi des approvisionnements des services de l’artillerie, du génie, de la télégraphie et du
    service de santé. »
    106 Différents documents concernant Brétigny-sur-Orge mentionnent un
    grand parc d’artillerie [a priori le 3e
    échelon, celui des stations-magasins, ndlr], un entrepôt
    général de télégraphie militaire et une pharmacie d’approvisionnement du Service de santé
    des armées. Cette dernière est illustrée par quelques cartes postales.

100
« Transvasement des wagons-foudres de vin dans des fûts », 16 septembre 1915, ©
BDIC_VAL_393_008 – SPA.
101 Camille-Marie RAGUENEAU et al., op.cit, Appendice 25, p. 1022, © Ministère des armées – Mémoire
des Hommes.
102 Guy JOLY, Le ventre d’une armée, la nourriture des soldats, http://guy.joly1.free.fr/le-ravitaillementd-une-armee.html, source citée : Le Pays de France du 7 janvier 1915.
103 Pierre MIQUEL, La Grande Guerre, 1983, Fayard, p. 240-241.
104 Service des subsistances militaires, Alimentation en campagne, 2 avril 1914, page 50, © BnF –
Gallica – bpt6k6237012w.
105 Recueil de médecine vétérinaire, 15.12.1915, p. 671-672, Question parlementaire du 8 novembre
1917, © BnF – Gallica – Cote bpt6k6469742c.
106 Décret du 8 décembre 1913 dans Organisation générale aux armées, Services de l’arrière aux
armées, Éditeur H. Charles-Lavauzelle, Paris.
66 Les établissements Clause, à proximité de la gare, outre l’Hôpital auxiliaire n° 10, abritaient
la composante de la station-magasin relevant du service de santé des Armées, en charge de
l’approvisionnement des unités médicales avancées (illustr. 51).
Il fallait en outre héberger le personnel affecté à la station-magasin.
La cité « La Fraternelle » constituait un cantonnement (illustr. 52).

Placés sous le commandement d’officiers de l’administration de l’intendance, les commis et ouvriers
militaires d’administration (COA) assurent les services de l’intendance dans les différentes
formations des armées. La station-magasin est servie par un détachement de la 22e
section des COA rattachée au Gouvernement militaire de Paris. Certains des COA relevaient de la
2 e, de la 5e et de la 10e section. Les hommes – un effectif de 3 000 est cité – sont cantonnés,
d’une part, au camp principal et, d’autre part, à la cité « La Fraternelle », lotissement de 90
maisons, situé au pont d’Essonville, édifié en 1913 pour les employés du chemin de fer Paris Orléans, réquisitionné pour la durée de la guerre. Cette cité devint ensuite la cité « Jardin ». Albert Foulon, écrit à sa famille, le 10 mai 1915, « Je suis arrivé ici à bon port. Nous sommes
logés dans des maisons inhabitées appartenant au chemin de fer. »
107

Archives Départementales de l’Essone.

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